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La graine et l'enfant

 

 

Je me souviens de toi, minuscule pyramide couleur chocolat à l'avenir prometteur. Tu tenais dans ma main, symbole d'un espoir que je cachais aussi dans mon cœur. Je voulais te donner la vie, alors je t'ai enfouie dans la terre en espérant te voir grandir sous mes yeux.
Les jolis mois ensoleillés passèrent, mais ni l'eau ni l'amour que je t'apportais ne suffirent ; tu ne devins jamais pousse, tu restas semence, tout comme celle qui ne put s'enraciner suffisamment au creux de moi. Tu fus le souvenir d'un rêve impossible et d'une désillusion douloureuse, un de ces grands désenchantements qui font partie de la vie.

Je me souviens de toi, timide et discrète pointe verte. Je t'aperçus la première fois sous un rayon de soleil matinal, dans le vase oublié qui avait subi la chaleur de l'été, les pluies diluviennes de l'automne et le gel mordant de l'hiver. Nous étions un printemps plus tard et toi, petit amas verdâtre et fripé, tu avais finalement réussi à t'éveiller, preuve sensible que l'espoir ne doit jamais être abandonné.
Je t'observais chaque jour, émerveillée par la rapidité de ton développement. Tu me fascinais et me permis d'estomper l'attente de l'éclosion d'une autre vie.

Je me souviens de toi, jolie petite pousse. Je te choisis un bel endroit, le long d'un bosquet, près du chemin que je foulais tous les matins. Tu t'y déployas, tu t'y étiras dans toutes les dimensions de l'air et de la terre, attirée par le soleil, à la recherche de l'eau et des minéraux vitaux à ta croissance. Tu tentas de te lier dans le sol à des réseaux blancs qui t'ancrèrent dans la matière fertile, ne faisant qu'un avec l'immense boule qu'est notre planète verte. Cette exubérance de la vie, cette allégresse couleur chlorophylle, me permit de comprendre qu'au lieu de croître en moi, la vie pouvait s'épanouir autour de moi et me remplir de tout autant de joie.

Je me souviens de toi, tout petit hêtre, et de ce jour où tes jeunes feuilles vibrèrent sous le vent, à l'image d'une foule acclamant un grand événement. Ce jour-là, j'appris qu'à mon tour, je jouais le rôle de l'air, de l'eau et de la terre, car en moi grandissait un tout petit être.

Je me souviens de ton histoire, mon arbre majestueux. Aujourd'hui, je me tiens à tes pieds. Ton tronc est plus imposant et tu tentes d'atteindre les aînés de ce bois. Je te regarde et pendant une seconde, il me semble que tu me souris. Un rictus d'étonnement apparaît alors sur mes lèvres et je crois en l'illusion pendant quelques instants. La réalité est toute autre : tes yeux ne sont que deux irrégularités sur ton écorce et ton sourire, finalement, n'est qu'une gravure forcée par la lame de deux amants qui voulaient crier leur amour au monde entier.
Je passe un doigt sur tes écorchures et tente de les déchiffrer : « C.P. + L.T. = Manon <3 <3 »
Je souris. C'est mignon.
« L.T. » comme les initiales de mon fils et « C.P. » comme...
Je pose une main devant ma bouche et me retiens de crier : « Je serai bientôt grand-maman ! »

Lien du concours

Concours "aufeminin.com"

Thème: Voilà un an que j'avais semé cette graine

Source d'inspiration: Un de mes minis écrits spontanés

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